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Dad's blog
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10 mai 2004: 26 ans déjà que j'écris avec plus ou moins d'assiduité dans un "journal". Pour qui ? Pour quoi ?
Ne sommes nous pas tous faits de la même pâte ?
La page web consacrée à mon père m'a fait réaliser il y a peu que des sentiments, pour intimes qu'ils soient, n'en sont pas moins universels.
Aussi, à la faveur de la mode des 'blogs', et à l'orée de ma nouvelle vie de papa, ce "journal en ligne" va-t-il succéder au précédent.

Pour satisfaire aux règles du genre, j'ai adopté un ordre anachronologique, illustré mes propos de photos et de liens hypertextes lorsque cela était possible, et je me propose aussi de publier les commentaires qui voudront bien me parvenir sur  en précisant l'emplacement où ils devront apparaître.

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19 décembre 2022 Ays_&_I
Plusieurs semaines déjà qu'on passe nos journées sur les pages de ce blog. Maman traque les fautes d'orthographe ou de grammaire et les erreurs de typographie. Moi je m'attelle au fastidieux travail de conversion depuis le format html inhérent à toute page web vers le format pdf propre aux impressions.
L'idée est de te livrer pour ta majorité, l'intégralité de ce "journal", imprimé et relié.
À cette occasion, année après année, nous relisons chaque contribution, depuis celles qui ont précédées ta naissance jusqu'à celle-ci.
Cela nous replonge dans un passé qu'on avait presque oublié. On rigole à toutes tes maladresses d'enfant, vibre au souvenir de nos escapades en famille ou anecdotes du quotidien.
Et même si l'année 2007 nous déchire encore le cœur, au bilan, c'est incontestablement le goût du bonheur qui transpire de chacune de ces pages -Aïe, je me demande si cette tournure maladroite va passer au crible de la relecture de maman...
Alors bien sûr, ce dernier paragraphe sonne comme un épilogue, et comment ne pas évoquer ici et maintenant le jeune homme formidable que tu es devenu et qui, jour après jour, continue de nous remplir de fierté ?
Te voir ainsi, équilibré, réfléchi, heureux de vivre, est notre plus grande satisfaction...
De mon côté, la disparition récente de ma mère a été un séisme dans ma vie. Je sentais pourtant cela arriver depuis de longs mois, et je pensais même être fin prêt à l'affronter..
Je me trompais..
Elle me manque désormais bien plus que je ne l'aurais imaginé, et nécessairement, je pense aussi bien souvent à la mort, ma mort.
Lorsque cette idée devient trop précise, j'en arrive à déplorer que la fin de la partie soit si tôt sifflée tandis que le souvenir des débuts est encore si vivace. Je songe alors à tout ce que j'ai encore envie de faire, à ces rivières que je ne parcourrai pas.
Et je pense encore à toi, mon fils, à toutes ces belles choses que tu vas réaliser et que je ne saurai pas.
Mais s'il est une consolation qui me donne un peu d'allant, c'est bien de te savoir désormais armé pour affronter l'existence avec l'intelligence et la sensibilité qui te caractérisent.
Oui, je sais, j'ai toujours eu une grande propension au mélo, mais je ne vais quand même pas conclure sur ces paroles quand j'ai encore la niaque de bouffer la vie à pleines dents.
Et même s'il devient évident que nous ne suivront plus le même chemin désormais, nous avons pu établir au fil de toutes ces années une complicité telle que maman et moi seront toujours à tes côtés, tu le sais bien, pour les prochaines années et au delà...

Maman
24 août 2022
Nous passons les jours suivants, Florence et moi, à Valloire où j'avais l'habitude de séjourner plusieurs semaines l'été avec maman.
Je suis sur mon vélo à 7h tous les matins pour écumer cols et sentiers de montagne.
L'effort physique et 1000 D+ me font un bien fou après ces journées de stess absolu, bien plus que toutes les psychothérapies ou anxiolytiques.
Mais je retrouve le visage de maman derrière chaque sommet mille fois observé avec elle, ou au détour des chemins que l'on sillonait ensemble.
Lorsque je fais l'inventaire de toutes ces destinations improbables qu'elle a pu découvrir grâce à nous, au bonheur qu'elle a eu de voir grandir ses petits enfants, je me sens apaisé.
Pas pour longtemps...
Car très vite arrive la culpabilité de ne pas avoir été davantage présent auprès d'elle, surtout ses derniers instants.
Je n'aurais pas dû partir quelques jours en week-end, mais comment savoir que c'était son dernier ?
Et cette dernière nuit, je n'aurais pas dû partir. Il fallait rester auprès d'elle, la laisser s'éteindre dans mes bras, mais j'avais si peur moi aussi...

Derniers instants
18 août 2022
Ma mère est vivante ! Vivante !
Je profite des derniers instants où je peux encore écrire cette phrase...
Je suis aux urgences avec elle. Le tableau est plutôt moche : infection pulmonaire aigüe, détresse respiratoire, une machine pour respirer, l'autre pour bouffer, en intraveineuse un cocktail d'ions, de morphine et d'anxiolytiques.
Je tiens sa main, sa peau est si fine, presque diaphane et les veines si bleues.
Elle semble déjà dans un autre monde, à respirer comme un plongeur qui tire les derniers litres d'air de son bloc.
Je lui souffle à l'oreille les noms de ses enfants et petits-enfants pour la rattacher au monde des vivants.
"On t'aime tous très fort tu sais". Et là ses yeux s'entrouvrent sans pour autant réussir à accrocher quoi que ce soit. Ses doigts se serrent doucement sur ma main, elle est encore un peu là.
La savoir encore un tant soit peu consciente rend mon départ tellement douloureux. J'ai l'impression de l'abandonner, c'est affreux...

Recopier ces lignes deux mois plus tard me déchire le cœur. Mais comment ai-je pu la laisser seule cette nuit là et la suivante ? Ausi dérisoire que celà puisse paraître, cela me rappelle l'agonie de Pitchou-la-perruche qui s'est débattue seule dans sa petite cage tandis que je ronflais paisiblement...

Merci à toi, fils, d'avoir été présent, ne serait-ce que quelques heures. Ça nous a fait un bien fou, à elle et à moi.
Et maintenant, comment vais-je réussir à dormir avec la peur au ventre d'être réveillé par le téléphone en pleine nuit...

Le jour suivant on la déménage depuis sa chambre double à une simple.
Ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille mais non, dans ces moments là on n'est pas lucides et on essaie plutôt de se rattacher à la moindre lueur d'espoir, comme ce matelas anti-escarres. Les médecins pensent donc qu'elle puisse durer suffisamment longtemps pour avoir des escarres ?!
Et cette dernière visite avec Florence qu'on n'oubliera jamais.
À peine rentrés dans le couloir du département de gériatrie -"court séjour" lit-on à l'affichage du service-, ces cris qui transpercent le silence.
Putain, c'est maman !
On se précipite, on la caresse, on la serre, on lui parle mais rien n'y fait, même pas l'amour. Seule la chimie parvient à la calmer lorsqu'un médecin des urgences vient rajouter un truc à sa perfusion.
Les cris cessent mais elle garde les yeux écarquillés à fixer le néant, et de nouveau la torture du départ.
On ne peut se résoudre à la laisser seule mais on finit toujours par l'abandonner pourtant.
Je lui ferme les yeux comme on voit faire dans les films après lui avoir répété à l'oreille : "Maman, je t'aime, je t'aime".
Trois heures plus tard, le téléphone qui sonne en pleine nuit, un numéro inconnu, mon sang se glace avant même de décrocher.
Maman est morte, la vie qui bascule.
Je retourne seul à l'hôpital.
Moi qui m'apprêtais à la trouver apaisée, elle arbore un visage étonnamment sévère et tendu, soutenu par une minerve.
Mon oncle me guide par téléphone pour effectuer les prières rituelles que je répète mécaniquement en pleurant.
Devant moi, c'est bien ma mère, elle est là.
Pourtant, devant moi, ce n'est plus vraiment ma mère.
Quand tu étais petit, tu m'avais posé cette question épineuse : "C'est quoi l'âme ?".
Et bien jamais la notion d'âme ne m'est apparue aussi clairement.
L'âme, c'est la différence entre ces deux phrases, ce qui se cache dans le plus vraiment.
La suite, on la connaît, je l'ai déjà vécue avec mon père et ton petit frère. Les formalités au funérarium, la veillée du corps, la toilette rituelle puis l'enterrement et les larmes de maman qui me chavirent.
Enfin, on rentre à la maison et on se retrouve seuls avec notre chagrin, la culpabilité et les souvenirs.

S'adapter
13 mai 2022
Ça fait si longtemps que je n'ai pas couché quelques lignes sur ce blog que, bêtement, je me sens un peu dans l'obligation d'écrire quelque chose de grand aujourd'hui...
Et puis... non, j'ai simplement été touché par la lecture d'un bouquin qui relate la vie d'une fratrie face à l'arrivée d'un enfant lourdement handicapé.
Pas la peine de psychanalyse pour y voir là ce qu'aurait pu être ta vie si nous n'en avions décidé autrement.
Au lieu de cela, on vit maintenant avec une hypothétique culpabilité qui plonge maman chaque année autour du mois de juin dans un état de décrépitude psychosomatique avancé, mais ne nous empêche cependant pas d'aprécier le bonheur de la vie à trois.

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