10 mai 2004:
26 ans déjà que j'écris avec plus ou moins d'assiduité dans un "journal". Pour qui ? Pour quoi ?
Ne sommes nous pas tous faits de la même pâte ?
La page web consacrée à mon père m'a fait réaliser il y a peu que des sentiments, pour intimes qu'ils soient, n'en sont pas moins universels.
Aussi, à la faveur de la mode des 'blogs', et à l'orée de ma nouvelle vie de papa, ce "journal en ligne" va-t-il succéder au précédent.
Pour satisfaire aux règles du genre, j'ai adopté un ordre anachronologique, illustré mes propos de photos et de liens hypertextes lorsque cela était possible, et je me propose aussi de publier les commentaires qui voudront bien me parvenir sur
en précisant l'emplacement où ils devront apparaître.
12 décembre 2011
J'ai toujours détesté les dernières fois, les dernières pages, les derniers baisers, les derniers jours.
Pourtant, ces lignes risquent fort d'être les dernières de ce blog !
Il y a l'inspiration d'abord qui me fait parfois si cruellement défaut, la crainte d'être hors-sujet, de lasser avec mes histoires de famille et la pudeur aussi d'évoquer l'amour pour cet enfant qui me ronge depuis tant d'années et ne faiblit pas.
L'incertitude encore et les doutes devant l'abîme du web. Quid de notre vie privée ? Mettre en avant l'amour d'un père pour son fils, ses craintes quant à l'éducation ou face à l'avenir me semble plutôt anodin, mais à mesure que tu prends de l'âge, les enjeux sont différents.
Quel regard porteras-tu sur ces lignes ? Un regard bienveillant, j'en prends le pari.
Et sur leur caractère public ? Là, je suis plus réservé...
Ne serait-il pas temps pour moi de reprendre le fil de mes cahiers d'écolier abandonnés depuis de longues années ? J'y ai bien songé mais le numérique permet une telle variété d'illustrations qu'il serait vraiment dommage de s'en priver...
Faut-il alors rendre ces pages privées ? Possible... Mais ma motivation risque bien d'en prendre un coup tant il est vrai que les messages émus qui me parviennent de temps à autre constituent une émulation non négligeable...
Que faire ?
1er septembre 2011
Après avoir évoqué ici-même tes premiers coups de pédale ou notre aller-retour à la plage en bicyclette, l'été 2011 restera sans conteste celui de nos premières randos itinérantes à vélo.
Ce fut d'abord le Causse Méjean et ses paysages lunaires avec, pour l'occasion, la cariole dans laquelle tu fis tes promenades initiatiques à l'âge de trois mois, reconvertie en fourgon à bagages.
Une semaine plus tard, avec maman cette fois-ci, nous parcourons la voie verte du Haut-Languedoc. Distances raisonnables, faibles dénivelés, escales gourmandes... 60 km en trois étapes entre Tarn et Hérault à goûter l'incomparable bonheur d'être ici et maintenant mieux que nulle part ailleurs.
Enfin, à quelques jours de la rentrée, on s'accorde une dernière escapade sur les berges du Canal du Midi, entre Beziers et la mer, avec balade sur la plage, camping-Bolino et soirée "Patrick Sébastien" à la clé.
-"J'arrive pas à y croire que j'existe." répètes-tu à l'envi.
En ce qui me concerne, j'arrive pas à y croire qu'après la tourmente liée à mes problèmes de santé, tout ce bonheur avec toi fut encore possible et si beau...
26 juillet 2011
En vacances à Tunis, nous profitons de la proximité de la Sicile pour passer quelques jours à Palerme.
Pour le voyage de nuit, nous réservons une cabine dans l'espoir de transformer cette traversée en petite croisière romantique. Mais à peine montés à bord, on réalise qu'on s'est trompés de film et que "Grimaldi Lines" c'est vraiment pas "Love Boat". Nous nous retrouvons bien vite isolés dans notre boîte sur-climatisée quand la majorité des passagers, bébés compris, s'entassent à même le sol.
- Mais pourquoi ils dorment par terre ? Ils n'ont qu'à dormir dans une cabine... En effet, il ne t'a pas échappé que la plupart des cabines sont vides.
Te voilà ainsi confronté assez violemment à l'injustice sociale. J'essaie tant bien que mal d'apporter à tes yeux un semblant de légitimité à cette situation inacceptable. Peine perdue, tu sembles perturbé par ces inégalités par trop flagrantes qui prennent difficilement leur place dans ton monde encore bien lisse.
Dois-je me réjouir de ta sensibilité à fleur de peau ou bien m'en inquiéter ? Cela me rappelle en tous cas mes propres réactions à ton âge face aux mendiants dans le métro ou aux familles démunies. Impossible non plus de ne pas penser à la relative insensibilité qui nous habite désormais.
Le lendemain soir, loin du port et de ses flots de passagers, je parcoure les actualités sur Google-News:
"La France débloque 10 millions d'euros pour lutter contre la famine historique dans la corne de l'Afrique" titre Le Parisien.
Quelques clics plus loin, je tombe sur une manchette du Figaro: "La fortune de Liliane Betancourt estimée à un milliard d'euros".
Décidemment, tu n'as pas fini de t'indigner fils...
6 juin 2011
Aller, je m'y colle !
Ça fait quand même trois semaines que, sur les conseils de ma soeur, j'ai emprunté ce bouquin à la médiathèque et que je l'oublie soigneusement, jour après jour, tant je redoute d'être ébranlé par sa lecture.
Toi, tu glapis d'excitation en jouant avec tes cousins. Ma frangine au piano joue un truc qui ressemble à une oraison funèbre. Le décor est planté, je me lance...
Dès les premières pages, un papa qui pleure son fils défunt annonce la couleur et le ton général du livre. L'identification marche à plein, je m'accroche à tes petits cris comme à une bouée de sauvetage : Tu es bien là !
Page après page, je retrouve des sentiments déjà vécus au décès de ton petit frère Ege et qui me hantent encore: La maladie, la solitude et la mort contre lesquels l'amour d'un père reste désespérément impuissant.
Un peu plus tard, je reprends ma lecture tandis que tu fais la sieste à mes côtés. Je te regarde, imaginant malgré moi l'inimaginable. Pourquoi est-ce que je m'inflige cette lecture ?
Quelques jours passent, je me lance à nouveau et puis Stop ! Page 80, je jette l'éponge et file à la médiathèque me délester au plus vite de cet insupportable fardeau.
Je regarde ainsi disparaître "Le fils" de Michel Rostain sur le petit tapis roulant des retours avec les flots de CD et de livres en tous genres.
Il va me falloir une bonne dose de nature, d'escalade, d'astronomie, de toi maintenant pour oublier la misérable finitude de nos existences.
25 avril 2011
Je me suis surpris naguère, au supermarché, à éprouver une pointe de nostalgie en passant devant le rayon des couches culottes. Je ne regrette pourtant pas les quelques mètres-cubes de cellulose et de plastique difficilement dégradables accumulés depuis tant d'années. Pas plus que le siège bébé qui finissait par déséquilibrer dangereusement mon vélo. Ne sommes-nous pas mieux à rouler l'un derrière l'autre pour nous rendre à la piscine ou à l'école ? Ne te régales-tu pas de lire désormais tes livres seul dans ton lit pendant des heures ?
Certes oui, mais à mesure que tu te rapproches de l'autonomie, but suprême de toute bonne éducation, nous nous éloignons aussi de l'époque sacrosainte des biberons au Nesquick et du cocon familial si chaud et si douillet, où maman et moi occupions l'essentiel de ton horizon.
"Adieu l'enfance et l'innocence" chante Renaud... Nous n'en sommes bien sûr pas encore là même si j'ai toujours l'impression de goûter avant l'heure le parfum de la nostalgie.
Seul ton nounours Nouri qui accompagne, lui, encore chacun de tes voyages, demeure rescapé de ces années magiques. Pour autant, l'essentiel n'est-il pas de contempler avec satisfaction le chemin accompli et de profiter de chaque moment de notre vie avec toi ? Chaque jour, à ce titre, consacre entre nous une complicité nouvelle qui laisse pourtant augurer du meilleur pour l'avenir.
Mais il faut dire que tu ne me facilites pas la tâche, coquin, à répéter sans cesse que tu ne veux pas grandir, que tu veux toujours rester enfant...
Quand tu seras grand, tu découvriras encore plein de choses super chouettes, répond-je inlassablement sans trop y croire...
A vrai dire le plus bel accomplissement de ma vie d'adulte, à part quelques splendides itinéraires en escalade ou à vélo, reste encore et pour toujours, toi !
16 mars 2011
Comment te préserver de la violence du monde sans pour autant te masquer la réalité des choses ?
C'est l'angoissante question qui nous tarraude depuis les événements dramatiques du Japon ces jours-ci. Malgré toute ton attirance pour les écrans, nous décidons de t'épargner la vue de ces images cataclysmiques propres à te traumatiser pour longtemps, non sans t'expliquer soigneusement les raisons de notre interdiction.
Obéissant et discipliné, tu tournes les talons sans broncher et pars dans ta chambre retrouver tes monstres de pacotilles.
Encore ne s'agit-il là que d'une violence "naturelle" de la Terre qui semble malgré tout bien douce au regard de la barbarie des Hommes.
Epris de justice comme tu l'es, je redoute le jour où tu découvriras le Rwanda de 1994 ou la Shoah...
14 février 2011
C'est toujours avec une pointe d'émotion que je te vois explorer pas à pas les méandres de la nature humaine.
Cela fait quelques jours que tu frétilles d'excitation en regardant tes congénères jouer à la toupie dans la cour de récréation. Tu nous avoues même rêver de combats endiablés entre toupies rivales depuis deux nuits...
Nous n'échappons donc pas à l'achat sur e-Bay d'un lot de trois toupies "Bey Blade Metal Fusion" assorties de leur "arène de combat" - vingt grammes de plastique thermoformé.
De retour à la maison, munis des précieux bolides, tu vacilles en déballant, le souffle court, l'objet de toutes tes convoitises. Alors, pour quelques heures, ta chambre n'a rien à envier aux plus grands colisées, et dans ton arène, c'est Ben-Hur qui se joue... Cette nuit là, tu dors même avec les divines toupies au pied de ton lit.
Le lendemain matin, nous nous réveillons au cri de "un, deux, trois, hyper-vitesse !" qui, selon le code consacré, doit accompagner chaque lancé de toupie.
De fait, nous bénéficions d'une grasse matinée inespérée jusqu'à 8h; mais au moment de venir te retrouver, contre toute attente, nous notons au premier coup d'oeil, un air dépité sur ton visage...
- Alors, elles te plaisent tes toupies ?
- Oui... oui...
- Mais qu'est-ce que tu as alors ? Tu n'as pas l'air trop content ?
- Ben, en fait, les toupies... elles étaient plus belles dans mon rêve... Et j'y jouais mieux aussi dans mon rêve...
Depuis, jour après jour, ton enthousiasme pour elles s'étiole et, à l'instar de Woody dans Toy Story, elles perdent peu à peu leur place de favorites dans ta chambre pour rejoindre bientôt la page "jouets" sur e-Bay qu'elles n'auraient jamais dû quitter.
Trois pauvres toupies dans une cuvette en plastique abandonnée dans ta chambre, triste métaphore de nos vies pétries de convoitise et de rêves désanchantés.
2 février 2011
Il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre...
Jusqu'à présent, sans trop m'en rendre compte d'ailleurs, j'étais l'un des rares papas à accompagner son rejeton jusque dans la cour de récréation pour t'aider à sortir ta carte de cantine, bien refermer ton cartable et enfin te couvrir de baisers piquants avant de tourner les talons.
Et puis il y a quelques jours, discrètement, tu me signales que maman, elle, t'embrasse devant la porte de l'école puis s'éclipse sans plus d'effusions...
Message bien reçu, fils.
Même s'il m'en coûte, je ne te mettrai pas la honte plus longtemps devant tes copains.
Cela me rappellerait trop ma propre enfance et mon coupable embarras de voir un papa usé dont la cinquantaine grisonnante collait mal à l'ambiance rigolarde des sorties du collège...
1er janvier 2011
La nouvelle année ne pouvait commencer sous de meilleurs auspices...
Malgré la morosité inhérente à tous les retours de vacances, nous ne sommes pas prêts d'oublier notre vol retour Tunis-Marseille : Des hôtesses charmantes qui acceptent de nous faire visiter le cockpit et des pilotes non moins sympathiques qui nous proposent de finir le vol à leurs côtés !
Sanglés sur nos petits strapontins, à quelques mètres à peine du nez de l'avion, on assiste à la descente sur Marseille avec une vue imprenable sur les Calanques. Rien des agissements des pilotes ne nous échappe. Nous seuls réalisons alors que la turbulence qui secoue l'appareil provient de la traînée de sillage d'un avion d'EasyJet un peu trop proche. Pour l'éviter, on change de piste in extremis et c'est jusqu'au point de stationnement qu'on partage ainsi les décisions de l'équipage.
Pour moi, c'est un rêve de gosse qui tombe. En ce qui te concerne, même si tu ne réalises sans doute pas à sa juste valeur notre privilège, tu sors radieux de l'avion entouré par le personnel de bord...
De retour à la maison, on retrouve sur le simulateur de vol de Google Earth, les paysages survolés...